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Les canaux de communication

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Une histoire de fils, d’ondes et de lumière

Les machines ont toujours eu besoin de se parler. Qu’il s’agisse d’une imprimante, d’une carte réseau, d’un disque dur ou d’une souris, tous ces périphériques échangent des données avec le processeur. Pourtant, la manière dont cette communication s’effectue a profondément évolué au fil des décennies.

Des nappes de 40 fils aux liaisons optiques, des bus parallèles à l’USB-C, des câbles Ethernet aux transmissions radio… Cette évolution raconte en réalité une histoire simple : moins de fils, plus de fréquence, davantage d’intelligence dans les protocoles, et une abstraction croissante.

Voyons comment nous sommes passés de l’ère du parallèle à celle de la lumière.

À l’origine, tout était parallèle

Dans les années 70, 80 et 90, les communications entre machines reposaient presque toujours sur des bus parallèles. Le principe était intuitif : chaque bit de données avait sa propre ligne électrique. Plus il y avait de bits, plus il y avait de fils.

Le port Centronics de l’imprimante, avec sa prise DB25, en est un bon exemple. Il en allait de même pour :

  • les disques durs IDE (PATA) avec leurs nappes de 40 puis 80 fils,
  • le SCSI parallèle (8 ou 16 bits),
  • le bus GPIB des instruments de laboratoire,
  • et surtout le bus ISA (Industry Standard Architecture) des premiers PC.

Ce bus ISA n’était rien d’autre qu’une extension du bus du processeur : on y retrouvait des lignes d’adresses, de données, des interruptions et du DMA. Une large autoroute électronique où chaque signal avait sa piste dédiée.

Cette approche fonctionnait tant que les fréquences restaient faibles. À quelques mégahertz, tout reste cohérent.

Les limites physiques du parallèle

Lorsque les besoins en débit ont augmenté, on a découvert les limites naturelles de ces bus multiconducteurs.

D’abord le skew, c’est-à-dire le décalage temporel entre fils : à haute fréquence, deux lignes pourtant côte à côte n’arrivent plus en même temps à destination. Le processeur reçoit alors un mot de données décalé, potentiellement invalide.

Ensuite la diaphonie : les signaux parasites entre lignes adjacentes, de plus en plus difficiles à maîtriser.

À cela s’ajoutaient des câbles lourds, coûteux et encombrants, des connecteurs immenses, et une montée en fréquence presque impossible au-delà de quelques dizaines de mégahertz.

En résumé : le parallèle devenait un mur technologique.

L’optimisation du parallèle : l’époque PCI

La transition s’est amorcée avec l’arrivée du bus PCI dans les années 90.

Le PCI était encore parallèle, mais utilisait une astuce ingénieuse : le multiplexage. Les signaux d’adresse et de données partageaient les mêmes lignes, envoyés en plusieurs cycles successifs. On obtenait un bus plus étroit, plus rapide, mieux organisé.

Avec le Plug and Play intégré, le PCI marquait une modernisation importante. Mais malgré ces améliorations, il restait soumis aux limites du parallèle.

La mémoire : la grande exception

On pourrait croire que toute l’informatique est passée au série depuis longtemps. Pourtant, les barrettes de RAM — DDR, DDR4, DDR5 — restent fondamentalement parallèles.

Pourquoi ? Parce que la mémoire exige un débit gigantesque, difficile à atteindre en série sans multiplier les convertisseurs et la consommation.

Pour maintenir la cohérence, les fabricants utilisent :

  • des signaux strobes (DQS),
  • un calibrage précis des longueurs de pistes,
  • des timings extrêmement serrés.

C’est l’un des rares cas où le parallèle survit encore, par nécessité.

Le règne du série : moins de fils, beaucoup plus rapide

Le basculement définitif est venu dans les années 2000.

Le parallèle se décomposait, alors on a adopté la stratégie inverse : moins de fils, mais plus de fréquence, et une gestion du protocole beaucoup plus sophistiquée.

L’arrivée de l’USB a marqué le début de cette nouvelle ère. À l’origine simple remplacement du port série RS-232 et du port parallèle Centronics, l’USB est rapidement devenu un bus universel. Le même câble pouvait relier une imprimante, une souris, une clé USB, une carte son, un disque dur, voire une carte réseau.

Même mouvement avec les disques durs : la large nappe IDE a cédé la place au SATA, un câble fin transportant des données en différentiel.

Dans le monde professionnel, le SCSI parallèle a laissé la place au SAS (Serial Attached SCSI). En vidéo, VGA et DVI (encore partiellement parallèles) ont laissé la place à HDMI et DisplayPort, entièrement série.

PCI Express : une rupture totale

La rupture la plus nette reste le passage du PCI au PCI Express, en 2004.

Le PCI était un bus. Le PCI Express n’en est pas un.

C’est un réseau interne, constitué de liens point-à-point, organisés en lanes, chacune composée de deux paires différentielles (émission et réception). Le protocole envoie des paquets, avec CRC, numérotation, correction d’erreur.

Le PCIe a tellement bien réussi qu’aujourd’hui tout en dépend :

  • cartes graphiques,
  • SSD NVMe,
  • cartes réseau,
  • contrôleurs USB,
  • cartes Wi-Fi.

Même le Thunderbolt transporte du PCIe.

USB, le bus universel qui encapsule tout

L’USB n’est pas seulement un protocole. C’est une plateforme d’encapsulation qui imite des protocoles anciens pour assurer la compatibilité.

Ainsi, un simple câble USB peut transporter :

  • un RS-232 virtuel (CDC-ACM),
  • un protocole PS/2 de clavier ou souris (via HID),
  • du MIDI,
  • du GPIB,
  • du CAN, Modbus, RS-485,
  • du JTAG ou SWD,
  • du SCSI encapsulé via USB Mass Storage.

USB est devenu une sorte d’espéranto électronique : un bus capable de parler toutes les langues techniques d’hier. Avec l’USB-C, la convergence devient visible : un connecteur unique transportant données, vidéo, son, alimentation.

Le sans-fil : communiquer sans conducteur

Lorsque le cuivre atteint ses limites ou que la mobilité devient un critère, les communications passent dans l’air.

Le Wi-Fi est un Ethernet sans câble. Le Bluetooth est un RS-232 sans fil devenu universel, servant aussi à l’audio et à des mini-réseaux.

On trouve aussi des dispositifs HF propriétaires : les dongles USB 2,4 GHz des souris et claviers, rapides et simples, avec très faible latence.

À l’autre extrémité du spectre, le WiGig (60 GHz) offre des débits phénoménaux mais une portée ridicule : quelques mètres sans obstacles. Il sert à des stations d’accueil sans fil.

Encore plus étonnant, le WiMAX, sorte de “Wi-Fi longue portée”, a gagné une popularité inattendue chez les makers : beaucoup se sont amusés à construire des antennes directionnelles avec des boîtes de Ricoré ou de Pringles pour établir des liaisons de plusieurs kilomètres.

Enfin, pour l’IoT, les protocoles LoRa et Sub-GHz permettent d’envoyer quelques octets sur des kilomètres avec une pile bouton : faible débit, mais portée gigantesque.

Les communications optiques : quand le cuivre ne suffit plus

La lumière a pris une place croissante dans les communications modernes.

La fibre optique amène Internet dans les foyers, mais elle est surtout omniprésente dans les data centers : Ethernet 10G, 40G, 100G, 400G utilisent presque toujours des modules optiques.

Le cuivre plafonne à 1 Gbit/s sur Cat5e, peut monter à 10 Gbit/s sur Cat6a, mais au-delà, les contraintes deviennent énormes : chaleur, pertes, consommation, portée très faible.

La fibre, elle, n’a pas ces limites : pas de diaphonie, pas de CEM, pertes minimes.

Elle s’impose aussi dans le grand public : dès qu’un câble HDMI dépasse 5 mètres en 4K, les versions actives optiques deviennent indispensables. Même chose pour le DisplayPort.

Demain, certaines interfaces passeront totalement à l’optique : PCIe, USB, Thunderbolt. Ce sera nécessaire pour dépasser les limites physiques du cuivre.

Les connecteurs : la partie visible de l’évolution

Cette évolution se voit dans les connecteurs.

Les énormes DB25 et DB9 ont disparu au profit de l’USB-A, puis de l’USB-C. La nappe IDE de 40 fils a laissé place à un petit câble SATA, puis plus rien : les SSD NVMe se connectent directement via PCIe sur un slot M.2.

Le PS/2 violet et vert a cédé la place au Bluetooth ou aux dongles 2,4 GHz. VGA a laissé place à HDMI et DisplayPort, eux-mêmes concurrencés par USB-C (Alt Mode).

Le RJ45 est encore présent, mais les SFP et SFP+ optiques le remplacent dès qu’on dépasse le gigabit.

Les connecteurs racontent l’histoire : on simplifie le visible et on complexifie l’invisible.

Les couches : la puissance de l’abstraction

Dans les premières générations de PC, la couche physique dominait. On parlait longueur de câble, parasites, signaux TTL.

Aujourd’hui, la communication s’est éloignée du métal. On parle davantage de protocoles, de trames, de paquets, de CRC, de classes USB, d’encapsulation.

Plus les couches supérieures gagnent en complexité, plus la couche physique se simplifie — ou disparaît derrière des abstractions.

La convergence : trois familles qui règnent sur tout

L’informatique moderne repose sur trois grands piliers :

  • USB pour les périphériques,
  • PCI Express pour le haut débit interne,
  • Ethernet / IP pour le réseau (cuivre, fibre, radio).

Ces trois technologies ont absorbé ou remplacé la quasi-totalité des standards précédents.

Et demain ?

Les “silicon photonics” — circuits optiques intégrés — progressent rapidement. Les extensions PCIe optiques existent déjà en laboratoire. Les stations d’accueil USB-C deviendront probablement totalement sans fil.

Un jour, peut-être, le connecteur disparaîtra presque complètement. Seuls resteront les câbles d’alimentation… et encore.

Conclusion

L’histoire des canaux de communication, c’est l’histoire d’une simplification apparente.

On est passé :

  • de nappes multiconducteurs à deux paires différentielles,
  • de bus partagés à des liens point-à-point hauts débits,
  • du cuivre à la radio, puis à la lumière,
  • des ports dédiés à quelques standards universels.

Et pourtant, sous cette simplicité, les technologies sont devenues d’une sophistication extrême.

Moins de fils, plus de fréquence, et beaucoup plus d’intelligence. C’est ainsi que nos machines communiquent aujourd’hui.

Crédits photo

  • © Raimond Spekking / CC BY-SA 4.0 (via Wikimedia Commons)
  • Quark67 sur Wikipédia français — Travail personnel, CC BY-SA 2.5
  • Afrank99 (talk) — Travail personnel, CC BY-SA 2.0
  • smial (d) (FAL ou GFDL 1.2 <http://www.gnu.org/licenses/old-licenses/fdl-1.2.html>)
  • w:user:snickerdo — Travail personnel, CC BY-SA 3.0

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